Tracer l’amour

Mon père m’enseigne les chiffres et les mois en français. On fait le même exercice à l’école, première année de cours de français. Les autres sont en difficulté d’énumérer, moi, jsuis exemplaire. Ça me plaît. Ils découvrent que je l’avais pratiquée avant. Des bruits de soulagement, d’injustice, d’évidence. Mes nouveaux apprentissages me plaisent toujours. Ma nouvelle langue.

Je lève la main. Ma prof de français m’appelle. Son appel sous-entend que jsuis bienvenue, bien écoutée. Que ça va être bien ce que ma tête construira, ce que ma bouche, ma langue, mes lèvres produiront. Elle prononce mon nom d’un tel charme que je me sens sourire. Rougir même.

On est peu, on est bien, on est aimé. On débat beaucoup. Là, justement. J’ai quelque chose sur le bout de la langue. La prof le voit, cette pensée en moi. Elle me fait un signe de tête me donnant la parole. Je suis touchée.

Des heures, des jours, des mois je bredouille en français, je baigne dans la langue. Je fais bouger ma bouche. Je fais sortir des sons nasaux, des euhh, toujours sur la deuxième syllabe. C’est la deuxième. Le bout. Le charme. Je rêve dans cette langue. J’idéalise. Tout est beau en français. Beaucoup plus beau qu’en allemand. Mille fois plus beau. J’écris à quelqu’un : « En français tout est plus vrai. Plus juste. ». J’en suis convaincue.

On reçoit les notes du bac. Quelques élèves pleurent. Ils doivent passer en rattrapage. Des larmes de fureur. La prof de français les voit. Elle-même commence à pleurer. Elle ne peut pas les réprimer, ses larmes. Qui sont les nôtres. Cette empathie m’accompagne tout au long des années. Je la vois, cette chaleur, ces bras. Il y a des situations qui le permettent. Je les cherche. Je les désire. Je pleure en quittant l’école. Pas pour mes amis, pas pour cet endroit. Quelque chose se brise.

J’ai un ptit-copain. Il est semi-français. Quelle surprise. On a qu’une semaine avant que je parte pour mes études. On passe chaque jour ensemble, on se promène, on s’embrasse. En se promenant dans la forêt, dans le vieux centre du village, on se dit des mots d’amour. De charme. De folie. Je l’écoute. J’adore l’écouter. On passe devant une boutique de bijoux. Il fait un grand geste en étendant son bras. « Ma chère Pauline, qu’est-ce que je peux t’offrir ? ». Il est dimanche. La boutique est fermée. Et tous les bijoux m’appartiennent.

Ins Schauuspielhauus

Ich: Du suchst das Stück aus und ich das Theater?

Du: Abgemacht!

Ich: Ich meins ernst.

Du: Dann kommt’s drauf an.

Ich: Worauf?

Du: Auf’s Theater.

Ich: Hm.

Du: Und sag, warum willst du das Theater aussuchen und nicht das Stück?

Ich: Ein blödes Stück suchst du sowieso nicht aus. Aber vielleicht ja ein blödes Theater… (lacht sich schlapp)

Du: (Tippt mit dem Zeigefinger gegen die Stirn) 

Also sag, wohin geht’s?

Ich: (Dumpf, mit dem Dialekt eines Vokale liebenden Düsseldorfer Postbooten)

Ins Schauuspielhauus.

Le philosophe

Personnes: moi, le philosophe

 

Moi: La fin du monde. Ressentir cette peur chaque cinquantième année, imagines ! C’est la peur de ta mort, en fait.

Le philosophe: Même plus. C’est la peur de ton oublie.

Moi: De ouf. Comment ca?

Le philosophe: Alors,

Je pars de moi-même, parce que je m’aime bien.

Je suis oublié.

Des dizaines d’années.

Quelques centaines au maximum.

Je peux m’imaginer que tout être humain mourra d’abord.

Toute l’humanité s’éteindra.

Puis, elle sera oubliée.

Radiée de temps et de l’espace.

Mais la terre aussi

S’arrêtera.

C’est le soleil qui disparaîtra.

Après le soleil, toute forme de vie.

Toute conscience.

Toutes cellules

Pouvant prendre conscience.

Le voir

Le percevoir

Le sentir

Puis, l’univers lui-même disparaîtra.

Et tu peux t’amuser aller plus loin.

L’univers ne devient en quelque sorte qu’une étoile parmi notre univers.

Qu’un grain de sable parmi la Dune du Pilat.

Qu’une Pauline par rapport à notre humanité.

Il jette un œil sur moi. Puis, presque ennuyé, constatant :

Donc, tout va finir.

Basiquement.

Il y a rien de mortel.

Après une petite pause:

Mais finalement, ils se sont trompés de la date.

Les Aztèques.

Je rêve…mon amie

On est dans une grande salle avec des amis. On se dispute, une amie et moi. On crie l’une sur l’autre, bruyamment. L’émotion nous fait trembler. On s’éloigne. Mon amie reste avec les autres. Moi, je pars. Des personnes inconnues viennent m’accompagner, me demandent ce qui s’est passé. De manière distante. On échange. Je me sens tranquille. Et seule. Je rentre dans la grande salle. Les autres se trouvent autour de mon amie d’une façon protectrice. Je vais chez elle. Je veux lui parler. Seule. Elle refuse. Me repousse. Je reste. Je la touche. Je touche ses bras, ses cheveux, son visage. Elle pleure. Elle est tenue par une autre, des bras étrangers dans notre intimité. Légèrement, elle s’appuie contre moi.

Je rêve encore

D’une jeune femme qui est, avec sa maman, en voyage en bateau. Elles traversent la mer. Une brise légère. La voile reste assez tranquille et vibrante. En arrivant, la jeune femme est interrogée sur un sujet de moindre importance. Avant qu’elle puisse répondre, la mère répond pour elle. Une deuxième question sans importance. Elles se disputent. Chacune a raison, l’autre a tort.

Rêve se déroulant au théâtre. Mon théâtre de coeur. Cet enfant curieux veut le découvrir. Il court d’un étage à l’autre, grimpe sur la décoration, entre dans de nouveaux endroits. Une partie de sa robe s’accroche à la décoration, une clôture à lattis. Quelque chose se rompt (de la robe ou de la clôture n’est pas reconnaissable). Un moment de luicidité : j’ai fait quelque chose de mal. Je m’éloignerai vite de ce lieu du crime. En courant, l’enfant est attrapé par un homme de la sécurité. Celui-ci le prend et le jette sur une table, comme s’il ne pèse rien. Faible, chétif, méprisable. Une femme du service intervient. Elle dit qu’une telle action est intolérable. Désormais : interdiction d’entrer dans ce théâtre ! L’enfant, même si il l’avait déjà craint, est choqué. Il fait parler son coeur : Mais, j’aime le théâtre ! Des larmes sortent de ses yeux. Le combat n’est pas perdu. Continuant : s’il vous plaît ! Donnez-moi une deuxième chance ! Appel à la sensibilité des adultes.

Der Halbbekannte

Ob er noch lebt, fragt ein Halbbekannter

Sich erinnernd an eine Gschicht

Von vor nicht allzu langer Zeit

Die ihn nichts anzugehen heiß

Er im Vorbeigehen an sich zog, ohne Angesicht

Hakte nach, aufdringlich, von Frag zu Frag gespannter

Ich sagt: ich hoff‘s doch!

Alles andre wär zu schad

Er lacht, siehts lodernd Loch

In meinem Mag

Stellt im Laufschritt die nächste Frag

Dass mir’s Quasselwasser nicht verzagt

Nein, in dir, ob er noch in dir lebt?

Ich verschämt, leicht überfordert aufgeregt

Was will denn dieser Mensch von mir

Mit seinem Marketinggeschnülz

Da verschließt sich ihm mein Herz, zählt ganz schnell von eins bis vier

Sei leis! Du Schwätzer. Weißt nix um die Bedeutung dieser Sülz.

Dass ichs nicht weiß, antworte ich

Wohlwissend, was ich weiß

Was nicht

Wen ich begehre und wen nicht

Spürend jetzt, was das heißt

In mir leben