Je pense

Je pense. Et je pense souvent. Je pense que tu le sais. Je pense à notre dernière rencontre, aux choses que t’as dites, qui m’ont perturbées, à ton recul, image douloureuse dans ma tête.

À part cela, j’ai aussi des pensées, on va dire, sauvages. Sauvages, parce qu’elles sont détachées de ce que j’ai vécu avec toi, détachées de la réalité. Peut-être elles se créent par un excès de réflexion. Dans ces pensées, je t’idéalise. J’admire par exemple ta curiosité et ton ouverture d’esprit. Deux caractéristiques qui sont aussi propres à ma personnalité, mais en me comparant à toi, je ne sais plus qui suis-je. Je me demande qui suis-je. Je l’écris sur un papier, des mots simples. Je les relis. Ça fait du bien. Je ressens une joie.

Je pense au film en corps, à la caricature d’un mec qui change de copine. La nouvelle porte le même nom que celle d’avant. Je trouve ça angoissant de ne pas pouvoir se détacher de ses sentiments pour une personne. Je veux que mon désir disparaisse. 

Mes pensées créent des peurs qui n’existent pas dans le présent, même pas dans l’avenir. Ce sont des peurs passagères. Mes pensées sont loin, diffuses et remplissent ma tête tel que j’ai du mal à dormir. J’ai rarement des sentiments par rapport à cette infinité de pensées. Comme je dis, elles sont détachées de la réalité. Elles se produisent, et disparaissent. Quand je pleure, cela me soulage.

Bonjour tristesse

Ce qui m’attire, en partie, est ta tristesse. Elle s’est inscrite dans ton corps. Dans ton regard habituel. Tes sourcils qui tombent, tes yeux baissés. Dans ta voix vibrante. Tu sembles incroyablement triste. On est attendri quand on te voit. J’imagine ce qu’ont ressenti tes profs au lycée. De bonnes notes malgré le retard et le manque de participation, t’avais raconté. Voulaient-ils te protéger ? Te soulager ? Sans franchir la frontière de la discrétion qu’établit l’intimité de ta tristesse?

T’sais, à l’époque, j’avais ce petit ami qui était submergé par la tristesse. Je crois que j’étais attirée par cette douleur. Par l’incomplet dont je pouvais contribuer à le compléter. J’ai aimé lui apporter de l’aide. Je me suis sentie valorisée. Dans ce sens, je l’aimais. Sans savoir qui il était à part sa douleur. Trois ans après notre rupture, il me dira qu’on n’avait rien à se dire et qu’on le remarquait les deux de temps en temps. Que j’étais quasiment sa thérapeute, peut-être pour me fuir de moi-même. Il y a cette hypothèse que ce besoin de faire sortir les gens de leur tristesse vient de chez moi, de cette volonté puissante d’en faire sortir ma mère. J’en sais rien. Peut-être, cette attirance par la tristesse s’arrêtera jamais. Justement, j’apprends doucement que je vais pas la soigner. Que je te la laisse, ta tristesse.